Mon idée, mon impro

Par Edith Morin

Ce texte est, en quelque sorte, une démonstration de la différence dans l’interprétation d’une idée entre deux membres d’une même équipe. Isabelle Godin m’a lancé une idée, l’équivalent d’un caucus, et m’a demandé d’écrire un texte de blogue. Voici ce qu’elle m’a demandé : « Pour démontrer que tu devrais être moteur quand c’est ton idée de caucus, j’aimerais que quelqu’un d’autre écrive le même article que moi. Puis, on comparera. »

Il s’agit donc du deuxième texte sous cette même prémisse. Si vous ne l’avez pas encore fait, allez lire sa version ici.

Improvisation mixte, ayant comme thème « Article de blogue ». Nombre de joueurs illimité, catégorie libre, d’une durée de deux minutes. CAUCUS!

Frooooouuut (ou peu importe comment ça s’écrit, le son d’un sifflet. Fritititi? Tweetiliti?).

Voilà, on met les mains à la pâte. Les membres de l’équipe se regardent, songent, se croisent les doigts, autant pour la chance que pour se rappeler que c’est une improvisation mixte. Poétique, non?

Soudainement, une idée de génie te frappe à l’esprit. Ah, que ce serait un bon concept! Ça fait de l’allure! Ah, que ça ferait une bonne improvisation!

« J’ai une idée! »

Tout à coup, tous les yeux se posent sur toi. Personne d’autre n’avait parlé jusqu’ici. On ressent le soulagement. Excellent, tu as une idée.

« OK, la personne qui entre écrit un article pour le blogue d’ImproNB et se cherche des idées. Elle part donc à l’aventure avec la personne de l’autre équipe à la recherche d’un coup de génie pour l’article. »

Silence.

Le temps continue d’avancer. Vingt secondes, c’est très rapide. Soudainement, c’est Jérémie qui prend la parole.

« J’comprends pas. »

Pourtant, c’est un concept simple! Tu peux le voir là, dans ta tête. L’histoire sera songée, mémorable, les gens du réseau d’improvisation au Nouveau-Brunswick vont s’en souvenir comme un moment classique de l’histoire de la scène dans la province.

« Ben, euh… j’veux dire… t’sais, tu entres, tu es en train de taper un article de blogue, mais t’as pas d’idée, donc tu décides de partir à l’aventure… »

Jérémie ne sait toujours pas ce que tu veux dire. Tu vois l’arbitre revenir au centre de l’arène et lever le sifflet à ses lèvres.

Les membres de l’équipe se regardent. Qui entre comme « moteur » dans l’improvisation?

Froutoutoutou!

Bien que Jérémie soit un excellent improvisateur, tu sais que s’il entre dans l’improvisation sans comprendre ton concept, le concept ne verra probablement pas le jour (ou du moins, de la façon souhaitée). Et ce n’est pas grave; Jérémie peut tout aussi bien créer une autre version de ton concept après être entré, ou bien la personne de l’autre équipe a peut-être une excellente façon d’interpréter le thème. Après tout, il faut avoir confiance en son équipe et en l’autre équipe pour donner un bon spectacle.

Disons, cependant, que le but ici est de donner vie à ton concept. Comme elle a été établie, l’improvisation que tu as imaginée est drôle, dramatique, bouleversante! Ah, si seulement tu pouvais passer le message télépathique à Jérémie. Il ne semble toutefois pas capter les ondes que tu lui envoies (et Éric, ton entraîneur, te jette un regard inquiet, parce que t’as l’air à te concentrer un peu trop fort, avec les yeux fermés et les sourcils froncés. Peut-être vaut-il mieux lâcher la télépathie.)

Et si, pendant le caucus, tu proposais d’être la personne « moteur »?

Ta vision, tu l’as vue. Tu sais exactement quoi faire pour qu’elle devienne réalité. Tu sais comment commencer l’improvisation en t’assurant de donner de la place aux membres de l’autre équipe pour bâtir une belle histoire collaborative. Et vingt secondes de caucus, ce n’est pas assez pour transmettre un message détaillé à Jérémie, de façon télépathique ou non.

Tu prends alors ton courage à deux mains et tu t’élances : « JE VAIS LA PRENDRE! ».

Ton équipe hoche de la tête. Oui, prends-la, l’improvisation. Raconte ton histoire.

Au ralenti, tu entres dans l’arène. Tu entends une musique aux airs héroïques t’accompagner (dans ta tête). Ton concept et celui de l’autre personne joueuse se combinent. Jérémie, sur le banc, comprend finalement ton idée. Il vient vous accompagner plus tard dans l’impro. La foule est époustouflée. Au bout de deux minutes, l’arbitre se relève.

Prutututu!

Analyse comparative

Bien que les deux textes soient écrits de façon complètement différente, ils véhiculent des idées similaires. En fin de compte, ces deux articles pourraient exister l’un sans l’autre et les lecteurs comprendraient le point qu’on souhaite faire passer. Cependant, le fait d’avoir les deux versions le rend encore plus évident, et souligne qu’une même idée peut être interprétée et présentée de façon complètement différente. Le texte d’Isabelle se veut plus pratico-pratique et s’avère une approche d’entraîneure. Celui d’Edith met en scène un exemple duquel on peut se reconnaître et apprendre, c’est peut-être une approche de joueuse. Est-ce qu’Edith a tout dit ce qu’Isabelle voulait dire? Bien sûr que non. Mais chaque personne apporte une vision et un style à ses idées (comme Jérémie dans ce deuxième texte). Faites-vous confiance, lancez-vous dans le vide et laissez-nous découvrir vos propres histoires, mais acceptez aussi que si vous donnez une idée à quelqu’un d’autre, elle deviendra la sienne et pourra être intéressante d’une différente façon. Et ça, c’est correct aussi.

Vous voulez écrire un article? Communiquez avec nous à improvisationnb@gmail.com!

Laisser un commentaire