Quand le cliché nous échappe

Par Isabelle Godin

Le rôle d’arbitre demande beaucoup de préparation avant un match et/ou tournoi. Le rôle nous demande d’écrire un match à l’avance, de le rendre le plus équilibré possible pour inspirer différentes idées et compétences chez les joueurs. Il faut non seulement connaître les règlements, mais aussi suffisamment les maîtriser pour pouvoir sévir lorsqu’un d’entre eux est brisé pendant le match. Les arbitres connaissent normalement sur le bout de leurs doigts les différentes punitions qui peuvent être accordées et les circonstances dans lesquelles elles pourraient être données. Malgré tout, il y a une punition qui est parfois plus difficile à cibler – le cliché.

Comme membre du public, ça nous est sûrement déjà arrivé de regarder un match et déceler un cliché qui, pour nous, semble très évident. La situation est d’autant plus frustrante lorsque la punition n’est pas donnée par l’arbitre. Les règlements de tournoi explique le cliché ainsi : « Un cliché est la reproduction d’une idée, d’une blague, d’une histoire, d’un personnage, etc., d’un référant […] sans la modifier, ou la reproduction d’une idée à plusieurs reprises au cours d’un match, d’un tournoi, ou d’une saison. » On punit le cliché, car on cherche à voir des idées et histoires uniques et originales, pas un remake sans budget d’un film ou livre connu. Malheureusement, et contrairement au nombre illégal de joueur.euse.s ou au décrochage, le cliché peut paraître extrêmement évident pour certains, mais passer complètement sous le radar de quelqu’un d’autre.

Alors comment, en tant qu’arbitre ou membre de l’équipe des officiel.le.s, peut-on éviter qu’un cliché passe sans être puni? Je me considère comme ayant une culture générale assez large, mais comme tout le monde, j’ai des blind spots quand ça vient à certains genres et/ou médiums. La première étape serait de reconnaître ces lacunes dans sa propre culture et de faire un effort pour combler ce vide de quelconque façon. Si je me prends à titre d’exemple, j’ai peu de référents quand ça vient à l’horreur. Pour remédier à ça, je pourrais lire des synopsis des derniers films populaires de ce genre, ou jaser avec des gens qui eux ont une plus grande expertise dans le domaine. Cela dépend aussi fortement du milieu dans lequel on doit arbitrer. S’il s’agit des Jeux de l’Acadie, par exemple, les arbitres devraient tenter de voir ce qui pourrait être des référents pour ce groupe d’âge, comme des films et/ou livres jeunesse ou même des memes. Ça rajoute un niveau de préparation conscient pour nos arbitres, mais la tâche pourrait aussi être partagée avec le reste de l’équipe des officiel.le.s.

Dans le cadre d’un tournoi, il serait intéressant de diversifier les expertises des membres présents à la table de statistiques pour tenter d’assembler la plus grande culture générale possible. Évidemment, on parle d’un monde idéal où on a assez de bénévoles présents pour se permettre ce genre de rigueur et qu’on a le temps de réfléchir à cela lorsqu’on monte l’horaire des officiel.le.s. Peut-être que, dans ce contexte plus compétitif, l’ombudsman pourrait permettre aux officiel.le.s qui sont assis dans le public d’utiliser le group chat du tournoi pour souligner la présence d’un cliché à la table de statistique. La décision demeurera toujours avec l’arbitre de punir ou non, mais au moins, ça éviterait de laisser un goût amer dans la bouche des gens qui ont reconnu la référence rendue mot pour mot. Après tout, faire usage du cliché, c’est tricher, et ça mérite d’être puni.

Il existe une façon aussi pour le public de punir ces interventions clichées si elles échappent à la table de statistique et c’est par le vote. Si vous êtes témoins d’une improvisation « volée » de toute pièce au point où ça vous dérange, vous avez le pouvoir de voter pour l’autre équipe qui aurait présenté une improvisation possiblement moins bonne en termes de structure ou de punchs, mais qui au moins était originale. Le cliché est, après tout, l’opposé de ce que l’impro devrait être, c’est-à-dire de se lancer dans le vide, de prendre des risques, et d’inventer dans l’immédiat.

En tant que joueur.euse, vous avez un rôle à jouer vous aussi. Évitez les clichés, c’est être intègre au jeu. La balle est dans votre camp! Reconnaissez quand une idée que vous avez n’est peut-être pas aussi originale qu’elle devrait l’être et mettez-la de côté. Choisissez quelque chose d’autre pour pousser votre jeu plus loin et apporter un vent de fraîcheur au spectacle. Croyez-moi, vous n’avez pas besoin de faire appel à ces clichés pour construire de bonnes histoires et aller chercher les rires tant convoités.

Vous voulez écrire un article? Communiquez avec nous à improvisationnb@gmail.com!

Laisser un commentaire